Directeur de l’École de la 2e chance de Seine-Saint-Denis depuis fin 2015, Hervé Coué a remis sur pied une structure traversée par une grave crise interne, sur le plan social et financier. (Portrait publié in le Journal du Grand Paris)
Le 8 juillet dernier, en arrivant à l’Usine Té, ancienne chocolaterie de Saint-Denis reconvertie en loft événementiel, au bras d’Edith Cresson, Hervé Coué, gaillard taillé dans le roc, avait visiblement l’air ému. La première avait fait le déplacement pour célébrer les 20 ans de l’Ecole de la 2e chance de Seine-Saint-Denis (E2C93) que dirige le second depuis 2015. L’ancienne Première ministre de François Mitterrand est en effet à l’initiative, en 1995, de ce dispositif qui permet à des jeunes de 16 à 25 ans sans qualification d’acquérir les compétences nécessaires à leur intégration professionnelle, sociale et citoyenne, à travers un parcours individualisé. En Seine-Saint-Denis, ils sont un peu plus de 600 chaque année à passer par l’E2C, la première à avoir vu le jour en Ile-de-France.
Les intervenants présents le 8 juillet ont souligné l’importance de cette structure avant d’assister à un après-midi festif préparé par les stagiaires de l’école. « C’était une journée à l’image de l’école, où l’on a pu mettre en avant les jeunes, loin des stéréotypes », confie deux mois plus tard Hervé Coué, dans ses locaux de Pantin, l’un des quatre sites de l’école avec ceux de La Courneuve, Rosny-sous- Bois et Sevran. Pourtant, il y a sept ans, au moment de son arrivée, peu auraient misé sur la tenue de cette journée de célébration. L’E2C 93 est alors traversée par une grave crise interne : conflit ouvert entre les salariés et la direction, finances dans le rouge… Alors que le conseil d’administration de l’E2C cherche quelqu’un pour redresser la barre, un ancien directeur de l’apprentissage de la Chambre de commerce et d’industrie francilienne – – l’E2C a été créée par le président de la CCI départementale et tous ses directeurs sont issus de la chambre – glisse le nom d’Hervé Coué. « Il était à la fois aguerri sur les sujets formation et au fait de gérer des publics jeunes en difficulté », confie Jean-Luc Parisot, directeur adjoint de l’emploi au département de Seine-Saint-Denis, partenaire historique de l’E2C.
Hervé Coué a en effet débuté sa carrière au sein d’un centre de formation des apprentis (CFA) de la CCI : tout juste diplômé Staps, il y entre en tant que professeur d’EPS avant de prendre des responsabilités de manager pédagogique de filière puis de terminer directeur adjoint du CFA. Lorsqu’on lui propose le poste à l’E2C 93, il démissionne aussitôt de la chambre de commerce, alors que tous ses prédécesseurs étaient détachés avec l’assurance de pouvoir rentrer au bercail en cas de coup dur. Une manière pour lui d’être « légitime » vis-à-vis des salariés. Il ne le cache pas : pendant deux ans « cela a été très difficile ». « Lors de la première réunion de CE, les plus virulents des représentants du personnel m’ont dit “On n’a rien contre vous, mais notre objectif c’est de vous démonter la tête”. » Ambiance. « J’ai beaucoup travaillé, énormément préparé les réunions en amont. Petit à petit, ils se sont aperçus que je ne venais pas pour couper des têtes, que j’étais là par vocation et parce que je me sentais à ma place auprès des jeunes de cette école et que j’adhérais pleinement à ce projet.
En parallèle, avec la responsable administrative et financière, il « prend son bâton de pèlerin » pour aller voir les principaux financeurs : l’Etat, la Région, le Département et les entreprises. « On y est allé avec notre cœur « , glisse-t-il. La méthode paie : la confiance est renouée, les finances repassent dans le vert en 2017, deux ans après son arrivée, et deux millions d’économie sont réalisées sur le budget en trois ans, « sans dégrader la qualité », ni fermer aucun site. « Hervé est à l’écoute et en même temps il ne se laisse pas embobiner et sait foncer, agir et décider », résume Jean-Luc Parisot.
Aujourd’hui, Hervé Coué partage sa joie d’être au service de « ce super dispositif » et « d’avoir une activité professionnelle en phase avec ses convictions personnelles », lui dont l’engagement auprès des autres remonte à l’adolescence : à 15 ans – il en a aujourd’hui 50 – il devient assistant entraîneur de natation. « Depuis tout petit j’ai fait du sport et j’ai toujours été dans le milieu associatif avec des notions d’abnégation et du goût de l’effort ». L’environnement familial, à Orly (Val-de-Marne) y contribue aussi : sa mère était assistante maternelle à la Ddass et la famille accueille des enfants en difficulté. Il évoque une enfance modeste mais heureuse, plus jeune d’une fratrie de trois et dont le père, chauffeur de bus à Air France, a construit lui-même sa maison, « des fondations à la charpente ». Aujourd’hui, ce papa d’une fille de 12 ans fréquente toujours les bassins, quand il ne s’adonne pas à ses autres passions : l’Egypte, où il essaie de se rendre une fois par an, et la cuisine.« J’adore faire plaisir et la cuisine, c’est une façon de partager. »
Emmanuelle Chaudieu – Le Journal du Grand Paris. Edition du 19 au 25 septembre 2022. N°373